Dividendes : Pourquoi faut-il les surveiller de (très) près?
- Par : L'équipe MasterBourse
Sur le long terme, les dividendes représentent une part significative de la richesse créée par la bourse. Pour nous, ils sont également une mine d’informations sur la compétence et les intentions des dirigeants. Ecouter les discours c’est bien, décortiquer les actes… c’est mieux !
La seule chose qui me fait plaisir est de voir mes dividendes arriver.
John D. Rockefeller
Rappelons-le, les dividendes représentent la partie des bénéfices nets que l’entreprise décide de reverser à ses actionnaires. La partie non distribuée est mise en réserve et est censée financer la croissance future, rembourser les dettes ou encore, permettre à l’entreprise de racheter ses propres actions.
Les dividendes sont bien trop souvent négligés…
Prenons l’exemple du CAC40. Sur les 30 dernières années, l’indice a fluctué, en moyenne, de 36% par an. Ces 36% représentent la différence entre le point haut et le point bas(1) de chaque année. Ce pourcentage atteint même 50% sur 15 des 30 années, soit la moitié du temps ! Dans ces conditions de forte volatilité, la tentation d’aller chercher à profiter de ces énormes fluctuations et négliger les quelques 3% de dividendes est évidemment grande. Nous ne parlons ici que des fluctuations de l’indice phare de la place parisienne et ses 40 mastodontes bien établies ! Nous n’évoquons même pas les sous segments, encore plus volatiles, comme les biotechs…
Regarder les dividendes peut pourtant s’avérer extrêmement utile… Les fluctuations citées plus haut ne caractérisent en réalité que le bruit du marché. Il est évident que la situation des entreprises du CAC40 (leurs ventes, leurs bénéfices, leurs valeurs intrinsèques…), dans l’ensemble, ne fluctuent pas de 36% tous les ans.
(1)Cours atteint en séance.
L’impact des dividendes dans la création de richesse :
Les dividendes représentent une part significative du rendement du CAC depuis sa création, les chiffres l’illustrent bien:
Le CAC40 a été créé fin 1987. Lors de son premier jour de cotation, il valait 1.000 points. Plus de 30 ans plus tard, le CAC40 nu (sans dividendes) a augmenté à un rythme annuel moyen proche de 6%. Son autre version, le CAC40 dividendes réinvestis (2), qui, elle, intègre les dividendes dans le calcul des points (et qui a commencé le même jour à 1.000 points) a augmenté de 9% par an.
Aujourd’hui le CAC40 dividendes réinvestis vaut plus de 16.000 points. Le CAC40 « nu » cote lui, autour de 6.000 points…
Moralité : la différence, soit près de 60% de la richesse créée par le CAC 40, est due aux dividendes ! Voilà l’impact sur la durée des quelques 3 % de dividendes/an, trop souvent négligés.
(2) l’indice CAC40 dividendes réinvestis est coté sous la dénomination PX1GR.
Le rôle des dividendes dans la psychologie des investisseurs:
Au-delà du poids dans la création de richesse, les dividendes procurent d’autres avantages non négligeables, parmi eux:
La visibilité :
Un actionnaire gagne en bourse grâce à deux variables : i) les dividendes et ii) la plus-value réalisée. Contrairement à cette dernière, qui reste théorique et hypothétique, le rendement du dividende (3) ET sa date de versement sont connus au moment de l’achat.
L’effet psychologique positif :
Recevoir du cash sur son compte a un côté rassurant et palpable.
Un filet de sécurité pour l’investisseur:
Historiquement, les entreprises qui distribuent des dividendes sont plus résistantes lors des phases de baisse des marchés. C’est surtout un effet psychologique car théoriquement, cela ne devrait pas avoir d’impact(4).
Une plus faible volatilité des actions:
Les entreprises qui reversent un dividende ont, pour la majorité des cas, un bêta plus faible que celles qui n’en distribuent pas : une entreprise qui verse un dividende a atteint un stade de maturité ou de faible croissance ce qui la rend plus prévisible. Il est par conséquent plus aisé d’anticiper ses résultats futurs. Les grosses erreurs de valorisation sont plus fréquentes sur une entreprise en forte croissance qui génère, à date, peu de bénéfices. L’autre raison est qu’il est plus facile de valoriser une entreprise sur la base d’un élément aussi concret que le dividende. Enfin, et cela rejoint le point abordé précédemment, si les actions de ces entreprises baissent injustement et significativement, cela encouragerait beaucoup d’investisseurs à profiter des taux de rendements fort sympathiques grâce aux dividendes versés, en attendant que le marché corrige sa thèse. Il y aura par contre, plus d’attentisme pour les entreprises qui ne versent rien.
Limiter les risques d’erreurs dans le choix des actions :
C’est certainement le point qui nous intéresse le plus chez MasterBourse. Nous le développerons dans la section suivante.
(4) Le cash qui n’a pas été distribué reste dans les comptes de l’entreprise et appartient toujours aux actionnaires au bout du compte.
Un bon moyen pour détecter les bonnes entreprises
Les dividendes aident à identifier les sociétés bien gérées et les intentions du management. Une entreprise qui distribue tous les ans un dividende en espèce et l’augmente périodiquement, est une entreprise qui, apriori, est bien gérée. Mais attention, cette déduction ne peut être systématique. Certaines entreprises le font pour de mauvaises raisons, souvent court termistes. Certains mauvais élèves peuvent utiliser ce mécanisme pour soutenir artificiellement les cours par exemple. D’autres vont le faire sous la pression d’un actionnaire majoritaire fortement endetté qui a un besoin vital de cash.
Malgré ces quelques cas minoritaires à éviter, cette analyse reste un terrain fertile pour dénicher de bons candidats. Des dividendes fréquents et avec un bon trend de croissance, traduit, à la fois, un business solide qui génère un cash excédentaire et un management qui tient compte des intérêts de ses actionnaires.
Nous n’avons cependant rien contre les entreprises qui ne reversent pas de dividendes ! Celles qui sont en forte croissance et qui arrivent à réinvestir leurs excédents de trésorerie à un taux élevé ont tout intérêt à ne pas distribuer des dividendes. Berkshire Hathaway, la holding de Warren Buffett, n’a distribué qu’une seule fois des dividendes ! Il parait qu’il était aux toilettes quand la décision a été prise… Pourtant, les actionnaires de Berkshire ne peuvent se plaindre au vu des taux de rentabilité généré par Buffett de tout ce cash réinvesti. Au final, ce qu’ils perdent en dividendes le récupérent largement en plus-values. Une autre alternative aux dividendes serait le rachat d’actions pour les annuler. Cela est même plus intéressant à la fois fiscalement et en création de richesse lorsqu’il est bien exécuté (Les rachats d’actions sont un vaste sujet que nous traiterons dans un autre article).
Quid du dividende exceptionnel ?
Certaines entreprises distribuent ponctuellement un dividende exceptionnel. Nous regardons avec beaucoup d’intérêt ces entreprises. En effet, une bonne partie des managers ne manquent pas d’idées pour trouver de nouvelles acquisitions et faire croitre leur chiffre d’affaires même si économiquement cela n’a pas de sens. Ils auront plein d’études pour prouver des synergies sur le long terme. Après tout, beaucoup d’entre eux ont des critères de rémunérations basés sur le CA et/ou l’Ebitda en euros. (Combien de dirigeants ont des critères de rémunérations basés sur l’amélioration du taux de rendement des capitaux engagés ? ou l’amélioration de la marge opérationnelle en %…).
Dans ces conditions, trouver des dirigeants, qui résistent à cet impératif institutionnel et qui assument en toute humilité, en disant « nous ne sommes pas capables dans ces conditions de marché de trouver un investissement rentable pour ce cash. Nous préférons donc le remonter aux actionnaires qui choisiront de l’investir ailleurs » est chose rare ! Elle mérite donc toute votre attention lorsqu’elle se produit. Quand on vous dit que les dividendes sont riches en informations.
Pour vous aider à digérer toutes ces infos voici un bref résumé de notre méthodologie :
Nous regardons avec attention les entreprises qui versent un dividende régulier et en hausse (et avec encore plus d’attention, celles qui reversent un dividende exceptionnel sensé). Nous apprécions également celles qui ne distribuent pas de dividendes mais qui parviennent à réinvestir leur excédent de trésorerie dans leur exploitation si le taux de rentabilité est satisfaisant. Nous sommes, cependant, très méfiants vis-à-vis des entreprises qui ne distribuent pas, qui ont un business peu rentable et qui laissent le cash s’accumuler dans les comptes année après année. Nous pensons particulièrement à ces entreprises dont la trésorerie nette représente 10, 20 voire 50% de leur capitalisation, et qui rechignent à le rendre à leurs actionnaires. Le manque à gagner à long terme pour ces derniers est terrible.
Tous les dividendes ne se valent pas !
Les très hauts rendements :
Lorsque vous rencontrez une entreprise qui délivre un rendement très élevé, disons 7% ou plus, posez-vous simplement la question suivante : Pourquoi ?
Pourquoi le marché laisse cette opportunité alors que les taux sans risques sont au plancher ? La plupart du temps l’explication réside en un seul mot : soutenabilité.
Il se pourrait que le taux de distribution de l’entreprise (part des bénéfices distribuée sous forme de dividendes) soit trop élevé et l’entreprise ne pourra pas, dans ce cas, le maintenir indéfiniment au risque de se retrouver dans une situation malsaine où elle serait obligée de s’endetter pour payer des dividendes…
L’autre explication réside dans les perspectives. Le taux de distribution est sain mais le marché est pessimiste quant à l’avenir de l’entreprise et ses futurs bénéfices. C’est à ce moment-là que l’art de l’investissement se révèle : soit le marché, comme la plupart du temps, a raison et il vous a rendu service en le signalant clairement, soit le marché se trompe et vous avez là une belle recovery.
Il ne faut pas se leurrer, le marché se trompe très rarement ! La case très haut rendement précède la plupart du temps celle de « gros problèmes » voire même « banqueroute » mais quand cela arrive et, après une analyse minutieuse des fondamentaux de l’entreprise, vous décelez l’erreur de Mr le marché, alors dans ce cas… Jackpot !
Une nouvelle fois, surveiller les dividendes vous a rendu service ! L’analyse par les dividendes vous aura signalé une bonne entreprise, qui passe par une situation de stress passager, et dont la baisse est vraisemblablement exagérée.
Les dividendes payés en actions :
Nous sommes méfiants vis-à-vis des entreprises qui distribuent régulièrement des dividendes payés en actions nouvellement crées. C’est une subtilité ignorée par une large majorité des investisseurs et un vaste sujet que nous préférons détailler dans un article propre à ce sujet.
Le résumé
- Le dividende représente une part significative du rendement total de l’actionnaire. Ne négligez pas ces quelques % par an !
- Dans l’équation du gain pour l’actionnaire (Plus-values + dividendes), ce dernier a le mérite d’être concret, prévisible et régulier ce qui compense l’incertitude quant à la plus-value et par conséquent l’équation totale du gain.
- Les entreprises qui distribuent régulièrement un dividende en espèce et en croissance sont un bon terrain de chasse pour trouver des entreprises solides, gérées par un management compétent qui tient compte de l’intérêt des actionnaires. Une analyse fondamentale est nécessaire pour compléter la thèse d’investissement.
- Une entreprise qui ne distribue pas de dividendes n’est pas forcément une mauvaise affaire si elle arrive à réinvestir son excédent de trésorerie à un taux élevé ou racheter ses actions lorsque cela crée plus de valeur pour l’actionnaire.
- Soyez sceptiques vis-à-vis des très hauts rendements. Méfiez-vous des entreprises qui ont un taux de distribution très élevé. C’est rarement soutenable à long terme.
- Regardez l’historique sur une longue période. Un exercice ou deux ne sont pas représentatifs. Les chiffres sont disponibles dans nos fiches entreprises et pour les 10 dernières années. C’est rapide et c’est gratuit, alors pourquoi s’en priver !
Encore un super article Masterbourse !
Par contre, n’aurait-il pas été pertinent d’aborder le cas particulier des dividendes issus des SIIC, qui sont anormalement élevés pour une raison légale ?
Belle journée,
Tout à fait, Rémy ! Votre point est intéressant et merci de l’avoir suggéré en commentaire pour en faire profiter le reste de la communauté. Le CGI prévoit en effet pour les SIIC (Sociétés d’investissements immobiliers cotées), une exonération d’impôt sur les sociétés assortie d’une obligation de distribution des résultats exonérés, sous certaines conditions évidemment : les plus-values de cession d’immeubles par exemple, doivent être distribuées à 70% avant la fin du deuxième exercice qui suit celui de leur réalisation.
Nous ne pouvons malheureusement pas aborder l’ensemble des cas particuliers dans nos articles. Nous pensons, par exemple, au sujet des dividendes en actions (de la poudre aux yeux à notre avis !) que nous n’abordons pas non plus dans notre article. Mais nous comptons sur les membres de notre communauté pour jouer les prolongations en alimentant les articles par des commentaires pertinents comme le vôtre.
Merci de votre commentaire et de votre fidélité.
Autres précisions sur les SIIC ; elles doivent distribuer 95% des loyers perçus (après déduction des frais). Voici les textes pour plus détails : https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4486-PGP.
L’inconvénient majeur est évidemment l’incompatibilité de ces entreprises avec l’enveloppe la plus intéressante fiscalement en France (le PEA).