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Faut-il investir dans l’or?

Investir dans l’or dans un objectif de diversification est une question que chaque investisseur devrait se poser. Il faut dire que l’intérêt d’un tel investissement divise même au sein de la communauté des plus grands investisseurs. Dans cet article, nous allons opposer les arguments avancés par deux investisseurs légendaires sur cette question : l’engouement de Ray Dalio pour le métal jaune face au scepticisme de Warren Buffett.

I. Il faut investir dans l’or selon Ray Dalio :

L’intérêt de Ray Dalio d’investir dans l’or est de plus en plus grandissant. Cela fait suite à ce qu’il appelle « un changement de paradigme » profond dans la situation économique et financière actuelle. Il appelle également à la méfiance envers les actifs risqués type actions et surtout les obligations qui ne rapportent plus rien voire délivrent des taux négatifs. Pour ce célèbre investisseur, diversifier son portefeuille en y intégrant un actif « réel » n’a jamais été aussi important. Il cite notamment les conséquences néfastes des politiques accommodantes des banques centrales, la faible couverture des portefeuilles des investisseurs ou encore les tensions géopolitiques. Tous ces éléments soutiendront, selon lui, le cours de l’or sur les prochaines années.

Lors des changements de paradigme, la plupart des investisseurs se font surprendre en suivant la masse au risque d’une perte significative […] D'un autre côté, si vous êtes assez malins pour comprendre ces changements, vous pouvez bien en tirer profit ou du moins vous en protéger.

1/ La perte de confiance dans le système monétaire

Les banques centrales se sont engagées depuis des années dans des politiques monétaires accommodantes très agressives : programmes d’assouplissement monétaires, baissess des taux d’intérêts, interventions directes sur les marchés, etc. La planche à billets tourne à plein régime avec comme conséquence directe la hausse des prix des actifs risqués et l’érosion de leurs rendements. La crise du coronavirus n’a fait qu’accentuer cette politique. Le marché est inondé de liquidité.

Cette hausse d’injection de liquidité augmente si vite que la confiance dans le système monétaire et financier finira par prendre un coup. Les investisseurs devront chercher une valeur refuge alternative. Dans ces circonstances, l’or apparaît comme le premier choix pour Ray Dalio.

2/ Le risque de retour de l’inflation :

Le deuxième argument de Ray Dalio est la hausse de l’inflation. L’environnement économique actuel donne l’illusion que l’inflation a disparu pour de bon. Cependant, avec un tel déversement de liquidité dans le système monétaire, l’inflation sera forcément de retour à un moment ou un autre. Lorsque cela se produira, les banques centrales seront face à un choix impossible : augmenter les taux d’intérêt au risque de replonger leurs économies en récession ou laisser filer la hausse des prix et éroder le pouvoir d’achat des ménages. La marche arrière opérée par la FED en 2019 après ses hausses d’intérêt est un excellent exemple. Que le résultat soit une récession ou une inflation galopante, l’or apparaît une nouvelle fois comme étant une solution intéressante pour R. Dalio.

3/ Un déséquilibre dans la composition des portefeuilles des investisseurs.

Troisième argument avancé par le fondateur du plus grand hedge fund au monde, le déséquilibre dans les portefeuilles de la majorité des investisseurs. Ces derniers sont très exposés aux actions et aux obligations et sont sous-investis en valeurs refuges tel que l’or. La hausse des marchés boursiers entre 2009 et 2019 n’a fait qu’accentuer ce déséquilibre. Pour rééquilibrer leurs portefeuilles et diversifier le risque sur plusieurs actifs, les investisseurs devront acheter de l’or. La demande augmentera sensiblement ce qui créera une pression à la hausse sur les cours du métal précieux.

4/ L’intensification des tensions géopolitiques :

Dernier argument en faveur de l’intérêt de détenir de l’or : les tensions géopolitiques. Le cours de l’or devrait profiter des tensions géopolitiques. Dernier exemple en date, l’escalade des tensions américano-iraniennes :

L’assassinat du général iranien, l’une des grandes figures du régime, a propulsé le cours de l’or à un niveau record de 1 579,72 dollars. Compte tenu des effets de change, le métal jaune a même atteint son record absolu en euros et en livres sterling.

Le coronavirus aura offert une pause imprévue dans la guerre, que l’on peut qualifier de froide, que se livrent les Etats-Unis et l’Iran. Il ne faut pas négliger également la guerre commerciale avec la Chine laissée de côté. Ces « guerres » sont mises de côté pour le moment mais elles reviendront au centre des préoccupations des investisseurs durant les prochaines années.

II. Investir dans l'or n'est pas une bonne idée selon Buffett :

Du coté des sceptiques, nous ne trouvons rien moins que Warren Buffett. L’oracle d’Omaha n’a jamais caché sa méfiance face à l’« investissement » dans l’or. Pour lui, l’or ne servira qu’à préserver le capital de son détenteur contre l’inflation au mieux mais il n’en créera pas davantage. Buffett identifie notamment deux grandes lacunes :

1/ L’or est un bien improductif :

C’est certainement l’argument central de Warren Buffett. Il va à l’encontre même de sa philosophie d’investissement et le succès de sa holding Berkshire Hathaway. Rappelons-le, c’est cette philosophie qui lui a permis de transformer une usine de textile en déclin en un conglomérat extrêmement solide de plusieurs centaines de milliards de dollars.

Pour illustrer son argument, nous avons préféré sélectionner des passages de ses mythiques lettres aux actionnaires. Leur bon sens, et parfois leurs dérisions, sont inimitables :

Dans sa lettre de 1998, Buffett commence par révéler sa vision globale de l’or en tant qu’investissement : 

« …Nous creusons le sol en Afrique ou ailleurs dans le monde à la recherche de l’or. Puis nous le faisons fondre. Ensuite, nous creusons un autre trou pour l’enterrer de nouveau et pour finir, nous payons des gens pour le garder. Il n’a aucune utilité. Quiconque nous regarderait depuis la planète Mars se gratterait la tête ».

En 2011, Buffett va plus loin dans son raisonnement. La date n’est pas due au hasard. Pendant la crise de 2009, il y a eu un emballement pour cette valeur refuge. Nous avons sélectionné 3 passages :

Passage 1 ;

« L’or n’est pas procréatif, il ne crée pas davantage d’or ou aucune autre richesse. Contrairement à un puit de pétrole par exemple qui va produire un flux continue qu’un investisseur pourrait revendre, en achetant un lingot d’or aujourd’hui vous allez vous retrouver avec un seul lingot d’or pour l’éternité ».

Passage 2 ;

 « Ce qui motive la plupart des acheteurs d’or, c’est leur conviction de voir le rang des pessimistes croître. Les derniers acheteurs seront plus enclins à payer plus cher pour le même lingot d’or. Au cours de la dernière décennie (i.e. 2001-2010), cette croyance s’est avérée exacte. En réalité, la hausse des prix a généré un enthousiasme supplémentaire pour les investisseurs, attirant de nouveaux acheteurs qui feront augmenter encore plus les prix validant ainsi le raisonnement des premiers…. C’est la prophétie auto réalisatrice. Elle fonctionne un certain temps comme elle a fonctionné pour les valeurs technologiques ou l’immobilier (NDLR, en référence à la crise immobilière). »

Passage 3 ;

« Aujourd’hui, le stock mondial de l’or est d’environ 170.000 tonnes. Si tout cet or était fusionné, il formerait un cube d’environ 68 pieds de côté (20,7 mètres). Nous pouvons d’ailleurs le placer au milieu d’un terrain de Baseball. Le cours de l’once d’or au moment d’écrire ces lignes s’élève à 1.750$. La valeur de ce cube d’or serait donc de 9.600 milliards de dollars. Appelons cela l’option A.

Supposons maintenant une option B du même montant.

Avec cet argent, nous pourrions acheter toutes les terres agricoles aux États-Unis, soit 162 millions d’hectares avec une production d’environ 200 milliards de dollars par an. Nous pouvons également acheter 16 entreprises tel que Exxon Mobiles (NDLR, le groupe le plus rentable au monde à l’époque qui génère 40 milliards de dollars de bénéfices par an). Après ces acquisitions, il nous restera encore environ 1.000 milliards de dollars, disons…argent de poche pour ne manquer de rien. Pouvez-vous imaginer un investisseur détenant 9.600 milliards de dollars et préférer l’option A à l’option B? »

2/ L’offre d’or est supérieure à la demande de l’industrie

Le deuxième argument de Buffett concerne le déséquilibre entre l’offre actuelle d’or et la demande utile. Certes l’or est essentiel dans l’industrie ou pour des objets décoratifs. Cependant la demande venant de ces utilisations est très limitée comparée au stock actuel. De plus, il faudrait que l’industrie absorbe la production supplémentaire annuelle des mines d’or pour maintenir le cours actuel de l’or. Pour lui, l’industrie ne pourra en aucun cas absorber une telle quantité ce qui finira par créer une pression baissière sur les prix.

III. Conclusion :

Warren Buffett est tout à fait d’accord avec le constat de Ray Dalio sur la situation monétaire actuelle (risque d’inflation, risques liés aux taux d’intérêt négatifs…). Nos deux investisseurs diffèrent dans la solution apportée et la stratégie à suivre. Là où Ray Dalio voit une opportunité dans l’or, Buffett continue de privilégier les actifs productifs pour se prémunir face à la perte du pouvoir d’achat. Cela se traduit concrètement par actions qui procurent des dividendes et des obligations avec des coupons intéressants, bien que ces dernières soient rares en ce moment.

IV. Avis MasterBourse :

Nous sommes moins catégoriques que Buffett lorsqu’il s’agit d’investir dans l’or. Dans son analyse de l’offre et la demande nous pensons qu’il sous-estime la demande provenant de l’épargne (argument 3 de Ray Dalio).  Nous estimons par conséquent qu’investir une infime partie de son patrimoine dans l’or n’est pas la stratégie la plus stupide même si ce n’est pas la nôtre.

Notre horizon d’investissement est réellement de plus de 20 ans. Dans les conditions actuelles, le marché nous offre de belles entreprises qui délivrent plus de 9% de Free Cash-Flow par an*. Nous restons donc, en ce sens, des disciples de Buffett.

Pour citer une dernière fois notre mentor : « Que la monnaie d’échange dans un siècle soit basée sur l’or, coquillages, dents de requin ou papier (comme c’est le cas aujourd’hui), les gens vont échanger quelques minutes de leur travail quotidien pour un coca cola ou des chocolats See’s. »

* Une belle entreprise est celle qui jouit d’un fort pricing power (capacité à augmenter ces prix pour se protéger contre l’inflation ou améliorer ses bénéfices).

Et le bitcoin ?

Les deux investisseurs sont unanimes lorsqu’il s’agit du bitcoin ou de ses clones : ce sont de piètres investissements.

La monnaie a deux fonctions : un moyen d'échange et une réserve de valeur. Le bitcoin n'est efficace dans aucun de ces deux cas. Il est trop volatile

Fiscalité d'un investissement dans l’or :

L’or papier :

L’investissement se présente sous forme de certificats, trackers, actions de société aurifère ou fonds d’actions de sociétés aurifères. Comme les autres produits financiers, le placement est assujetti à la flat tax de 30% sur la plus-value réalisée.

L’or physique :

  • Imposition forfaitaire: 11,5% sur le montant brut  sans facture décomposé comme suit : 11 % de Taxe sur les Métaux Précieux (TMP) et 0,5 % au titre de la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS).

 

  • Imposition sur la plus-value: pour opter pour cette imposition, il faut évidemment justifier de la date et du prix d’achat (sur facture donc) :

30% sur la plus-value si on détient une facture d’achat avec un abattement de 5% par année de détention à partir de la troisième année de détention.

Après 22 ans, la vente d’or est donc totalement exonérée d’impôt. Encore faut-il avoir les justificatifs.

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Qui est Ray Dalio ?

Raymond Dalio est un investisseur et philanthrope milliardaire américain. En 1975, il fonde Bridgewater, dans son deux pièces newyorkais. Le fond est aujourd’hui le plus grand hedge fund au monde avec 160 milliards de dollars d’actifs en gestion et 1700 employés. Bien que les hedge funds sont réputés pour leur comportement court termiste, le fond «Pure Alpha Strategy» de RayDalio brille par sa surperformance depuis 1991. La stratégie du hedge funds est dite «global macro». Elle ne se limite pas à une catégorie de titres, comme les actions, mais tente de profiter de toutes les opportunités possibles sur les marchés mondiaux.

1 commentaire pour “Faut-il investir dans l’or?”

  1. Bonjour,

    Je pense que dans ce cas, W. Buffett se trompe. Cela n’arrive certes pas souvent, mais ça arrive.

    Je détiens un peu d’or physique et beaucoup d’or papier essentiellement sous forme de streamers et de trackers.

    Certes, l’or en général ne produit rien, mais il faut garder à l’esprit que certaines mines d’or, notamment les leaders mondiaux que sont NewMont Corp. et Barrick Gold, offrent un dividende trimestriel.

    Pas besoin d’ajouter que l’or couvre largement l’inflation et qu’il a surperformé le S&P500 de peu sur les 20 dernières années.

    Je pense qu’avec les taux d’intérêts bas, la baisse du dollar, la hausse des coûts de production et les tensions internationales, l’or constitue plus que jamais un placement sûr, et de surcroît, qui rapporte.

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