Le bêta et la typologie des risques en bourse
- Par : L'équipe MasterBourse
Avant de se plonger dans la méthodologie de gestion des risques préconisée par notamment Warren Buffett, nous vous présentons quelques notions de base pour aider les novices à y voir un peu plus clair. Selon la Théorie moderne du portefeuille (Modern portfolio theory), les risques en bourse peuvent être scindés en deux catégories distinctes : le risque systématique et le risque intrinsèque. La mesure de risque de cette théorie est le bêta.
I. Les typologies des risques
I.1 - Qu’est-ce que le risque systématique ?
Le risque systématique constitue l’ensemble des risques inhérents au marché dans sa globalité. Il est également appelé risque de marché. Ce dernier n’est donc ni lié à une valeur en particulier, ni à un secteur. Il est à la fois imprévisible et impossible à neutraliser. Il ne peut, par conséquent, être atténué par la diversification des investissements.
I.2 - Qu’est-ce que le risque inhérent ?
Le risque inhérent également appelé risque spécifique, risque diversifiable, ou encore risque résiduel, constitue le risque qui est intrinsèque à chaque valeur en particulier, ou plus globalement à chaque secteur. Ce type de risque peut être réduit par la diversification. En répartissant les capitaux investis dans des actions de sociétés, de secteurs d’activité et de types d’actifs différents, les investisseurs peuvent être moins affectés par un événement ou une décision ayant un impact significatif sur un actif en particulier.
I.3 - L’une des meilleures réponses : la diversification
Si vous avez investi l’intégralité de votre capital dans les actions d’une seule et même et entreprise, le risque systématique et intrinsèque de votre portefeuille d’actions sont très élevés. Le marché boursier pourrait décrocher (risque systématique) ou l’action de l’entreprise que vous détenez pourrait, par exemple, perdre un client clé ou passer à côté d’une évolution technologique et ainsi fortement décrocher (risque intrinsèque).
Mais si vous possédez des actions de 1000 entreprises différentes, évoluant dans des secteurs distincts – comme vous pourriez le faire si vous possédez un fonds indiciel -, le risque systématique de votre portefeuille reste inchangé par rapport au premier scénario, mais votre risque intrinsèque sera cependant presque nul, minimisant ainsi le risque global de votre portefeuille.
La règle d’or pour tout investisseur est donc la suivante : diversifiez vos portefeuilles afin de minimiser le risque intrinsèque.
La différence entre le risque systématique et le risque intrinsèque semble donc tout à fait logique. C’est lorsque la Théorie moderne du portefeuille (MPT) présente ses outils de mesure du risque qu’elle perd légèrement en crédibilité… Selon cette théorie enseignée dans les écoles de commerce du monde entier, l’exposition d’un actif au risque systématique est mesurée par son bêta (β).
II. Bêta ; la mesure du risque
II.1 - Définition du coefficient Bêta ?
Le bêta d’un investissement mesure l’exposition d’un actif au risque en indiquant s’il est plus ou moins volatil que le marché. Un bêta inférieur à 1 indique que l’investissement est moins volatil que le marché, tandis qu’un bêta supérieur à 1 indique que l’investissement est plus volatil que le marché. La volatilité est mesurée comme la fluctuation du prix autour de la moyenne (c’est-à-dire l’écart type).
La MPT construit son raisonnement sur l’hypothèse de base suivante : Risque = Récompense.
Une action très volatile devrait par conséquent avoir un taux de rendement requis tout aussi élevé, ce qui signifie qu’une entreprise dont le prix est très volatil aurait également une très faible valeur intrinsèque (risque = récompense ; volatilité élevée des prix du marché = faible valeur intrinsèque).
II.2 - Le bêta est-il un bon indicateur ?
Pour la majorité des investisseurs dans la valeur : le bêta est un concept grotesque. Il est d’ailleurs troublant (voire inquiétant), qu’il soit encore enseigné comme concept fondamental dans quasiment l’intégralité des écoles de commerce du globe.
Le bêta utilise l’historique des prix du marché pour mesurer le risque en lieu et place des fondamentaux économiques intrinsèques. Comme le disait Ben Graham, « à court terme, le marché est une machine à voter, mais à long terme, c’est une machine à peser ». Les prix du marché peuvent s’écarter des réalités économiques d’une entreprise à court terme. Si le cours de l’action ne nous indique pas forcément la valeur intrinsèque d’une entreprise, comment pourrait-il constituer une base de calcul pour l’évaluation du risque ?
La propagande financière classique nous indique qu’une action dont le prix baisse fortement (c’est-à-dire une action à bêta élevé) est plus risquée qu’une action dont le prix n’a pas autant décroché. A cette affirmation, une question s’impose : si la réalité économique sous-jacente de cette entreprise, dont le prix de l’action s’établissait à 100 €, n’a pas changé et que le prix de l’action décroche à 90 € alors que le marché reste globalement au même niveau, cette entreprise est-elle soudainement devenue plus risquée ? Certainement pas ! Au contraire, si la valeur économique réelle de l’entreprise n’a pas changé, et que l’action passe de 100€ à 90€, il s’agirait plutôt d’une baisse des risques pour tout nouvel entrant car « la marge de sécurité » deviendrait, dans ce cas, supérieure.
La faiblesse de cette théorie réside dans l’hypothèse de base sur laquelle elle a été construite et qui stipule que le marché est efficient… Alors qu’il ne l’est pas systématiquement.
Seth Klarman, célèbre investisseur dans la valeur, disait : « Je trouve absurde qu’un nombre unique reflétant les fluctuations de prix passées puisse décrire intégralement le risque d’un titre. Le bêta présente le risque uniquement du point de vue des prix du marché, sans prendre en compte les fondamentaux des entreprises ou les évolutions économiques ».
De plus, le bêta ne traduit pas l’influence que les investisseurs peuvent eux-mêmes exercer sur le risque de leurs avoirs par des efforts tels que des contestations de procurations, des résolutions d’actionnaires, des communications avec la direction ou l’achat ultime d’actions suffisantes pour acquérir le contrôle de la société et lui permettre un accès direct aux titres sous-jacents.
L’utilisation du bêta se base également sur le principe suivant : le potentiel de hausse et le risque de baisse de tout investissement sont essentiellement égaux, et sont simplement fonction de la volatilité de cet investissement par rapport à celle du marché dans son ensemble. Ce principe est lui aussi sujet à un scepticisme tout à fait légitime. Selon Klarman : « la volatilité passée des prix des titres ne permet en rien de prédire, de manière fiable, les performances futures des investissements (ni même la volatilité future) et constitue, par conséquent, une mauvaise mesure du risque. »
C’est en effet une vision uniquement rétrospective, basée sur la variable « prix du marché » et, en aucun cas, une vision prospective basée sur les fondamentaux.
III. Une autre approche pour mesurer le risque en bourse
III.1 - L’avis de Warren Buffett
Dans son excellent article, The Superinvestors of Graham-and-Doddsville, W. Buffett avait émis l’opinion suivante sur la question : « Il est vrai que le risque et la récompense sont parfois corrélés de manière positive. Si quelqu’un m’offrait un revolver à six coups avec à l’intérieur une cartouche et qu’il me demandait de le tourner et de tirer vers moi une seule fois, en contrepartie d’un million de dollars si je survis à cette action, je déclinerais cette offre sur le champ. On pourrait ensuite m’offrir 5 millions de dollars pour appuyer deux fois sur la gâchette, ce serait dans ce cas, une corrélation positive entre risque et récompense, mais je refuserais quand même ! »
L’investissement dans la valeur se base sur la réflexion inverse : si vous achetez un billet d’un dollar à 60 cents, le risque est plus élevé que si vous achetiez un billet d’un dollar à 40 cents, mais l’attente de la récompense est plus grande dans ce dernier cas. Plus le potentiel de rendement du portefeuille de valeur est élevé, moins il y a de risque. Un exemple proposé par W.Buffett : « le Washington Post Company en 1973 se vendait à 80 millions de dollars sur le marché. Or, vous auriez pu vendre les actifs à l’un des dix acheteurs pour pas moins de 400 millions de dollars et probablement beaucoup plus. La société était propriétaire de Post, Newsweek, ainsi que de plusieurs chaînes de télévision sur les principaux marchés. Ces mêmes actifs valent aujourd’hui 2 milliards de dollars, de sorte que la personne qui aurait payé 400 millions de dollars aurait été tout à fait saine d’esprit. Néanmoins, si le titre avait encore baissé à un prix qui valait 40 millions de dollars au lieu de 80 millions de dollars, son bêta aurait été supérieur. Et pour les personnes qui pensent que le bêta mesure le risque, un prix inférieur aurait semblé donc plus risqué. C’est Alice au pays des merveilles ! Je n’ai jamais pu comprendre pourquoi acheter des propriétés qui valent 400 millions de dollars à 40 millions de dollars serait plus risqué que de les acheter à 80 millions de dollars. C’est un non-sens ! »
Selon Warren Buffett, la gestion du risque est très simple. Elle est binaire. C’est un Go / No go : « Ne gérez pas vos risques sur la base de ce que l’on a pu vous enseigner dans vos écoles de commerce. Le risque est pour nous binaire : Go ou No Go. Si nous percevons un risque réel sur une position, nous n’y allons pas. »
III.2 - La définition du risque en bourse selon Warren Buffett
Selon Warren Buffett, le risque correspond exactement et simplement à la définition du dictionnaire : « La stratégie que nous avons adoptée exclut le dogme standard de la diversification. De nombreux experts diraient donc que notre stratégie est plus risquée que celle employée par les investisseurs plus conventionnels. Nous ne sommes pas d’accord. Nous pensons qu’une politique de concentration du portefeuille pourrait bien réduire le risque si elle augmentait, comme il se doit, l’intensité avec laquelle un investisseur pense à une entreprise et le niveau de confort qu’il doit ressentir avec ses caractéristiques économiques avant de l’acheter. En exprimant cette opinion, nous définissons le risque, en utilisant les termes du dictionnaire, comme «la possibilité de perte ou de dommage ».
Pour Buffett, le risque n’a donc rien à voir avec la volatilité. Le risque est simplement la probabilité de perdre votre investissement initial. Sur le long terme, il est intimement lié aux fondamentaux économiques de l’entreprise dans laquelle vous investissez.
S’il risque de perdre de l’argent sur un investissement, Buffett n’investit tout simplement pas.
Mais d’où vient alors le risque ? Certainement pas de l’historique d’évolution des prix des actions… La réponse selon Buffett est simple (NDLR : nous conservons le texte en anglais afin de ne pas le dénaturaliser) :
« Risk comes from not knowing what you’re doing* »: Tout est dit.
* Le risque arrive lorsque l’on ne maîtrise pas ce que l’on fait.