Introduction en bourse : pourquoi ça ne marche pas ?
- Par : L'équipe MasterBourse
I- Définition d'une introduction en bourse (IPO)
L’introduction en bourse (ou IPO pour Initial Public Offering) est une opération financière menée par une entreprise pour ouvrir son capital en mettant en vente ses titres sur le marché. Tout investisseur institutionnel ou particulier peut y souscrire. Une fois que les attributions de titres sont finalisées, la cotation des actions de la société débute.
Les introductions en bourse constituent-elles de bonnes affaires pour les investisseurs ? Quelles en sont les conséquences ? Quels sont les risques ? Nous tentons de répondre à l’ensemble de ces questions à travers cet article.
II - Pourquoi les entreprises opèrent-elles des introductions en bourse (IPO) ?
L’introduction en bourse (IPO) est une décision importante car lourde de conséquences. L’opération en elle-même est d’abord couteuse, puisqu’elle nécessite l’intervention d’un nombre important d’intermédiaires (sociétés de conseils juridiques, banques d’affaires, agences de marketing, cabinets d’audit financier, etc.). Mais le supplément de coûts ne s’arrête pas à cette seule opération d’introduction en bourse. Une fois cotée, l’entreprise doit diffuser régulièrement au marché (ses actionnaires et les potentiels investisseurs du marché) un nombre important d’informations réglementées sur la situation de son patrimoine (son bilan), ses résultats, les évolutions au sein de son capital, etc. Sa comptabilité doit également adopter les normes internationales d’informations financières IFRS.
Malgré ces nombreuses contraintes, beaucoup d’entreprises n’ont d’autre choix que de réaliser cette opération. Les raisons sont multiples en voici les principales :
- Lever des fonds pour financer sa croissance
c’est la principale raison qui pousse une entreprise à s’introduire en bourse. Si l’endettement ne lui parait pas souhaitable, l’entreprise doit lever des fonds auprès d’investisseurs. Ils peuvent être professionnels comme le Private Equity par exemple, c’est une première option. Mais lorsque celle-ci est inenvisageable (car besoins trop importants ou incapacité à susciter l’intérêt de ces financiers ou choix de la gouvernance d’ouvrir le capital au public plutôt qu’à un groupement de fonds financiers), l’introduction en bourse devient alors incontournable.
- Renforcer la crédibilité et la notoriété de l’entreprise
Lorsqu’une entreprise devient cotée, elle devient transparente sur l’ensemble de ses informations et de ses projets. Cela renforce grandement sa crédibilité vis-à-vis de ses intermédiaires et sa notoriété auprès du public. Mais cela peut malheureusement être à double tranchant, car elle s’expose aussi au risque de marché et par conséquent à ses fluctuations et sa volatilité.
III - Les introductions en bourse constituent-elles de bonnes affaires pour les investisseurs ?
Les introductions en bourse sont perçues dans l’imaginaire commun comme étant une opportunité. Il y a souvent une certaine frénésie qui gagne ceux qui y participent. C’est nouveau, c’est frais, et on ne peut s’empêcher de penser que c’est potentiellement un multibagger naissant (actions qui voient leurs cours se multiplier par 2, 5, 10 ou même parfois par mille). On est donc souvent tenté de regarder de très près ces nouvelles propositions. Beaucoup d’investisseurs particuliers cèdent au charme de la proposition et des perspectives. Elles sont concoctées expressément par des professionnels dont le métier et de, justement, les rendre les plus attirantes possible.
Pour savoir si elles constituent des opportunités réellement intéressantes, plusieurs études académiques ont déjà été menées sur le sujet, mais nous avons essayé de mener notre propre investigation pour savoir, concrètement, si les dernières introductions en bourse ont été des bonnes affaires ou non. Nous avons donc essayé de mener une étude objective sur les introductions en bourse de ces 5 dernières années (glissantes). Nous avons étudié l’ensemble des introductions en bourse ayant eu lieu sur Euronext Paris sur cette période sur les compartiments A, B et C. Un total de 30 entreprises ont été introduites sur cette période et sur ce marché. Nous avons étudié leur performance absolue à date depuis leur prix d’introduction ainsi que leur performance relative par rapport à celle du CAC 40 entre la date de leur IPO et la date d’arrêté de l’étude (le 27 juin 2022). Cela permet de mieux contextualiser la performance de ces entreprises.
Résultats de l’étude :
Panorama des dernières introductions en Bourse sur Euronext Paris sur les 5 dernières années (glissantes) :
Performance absolue (en %) entre date d’IPO et date de l’étude (27 juin 2022)
Observations :
- Près des deux tiers des dernières IPO ont une performance négative depuis leur introduction en bourse, dont un tiers a perdu plus de la moitié de sa valeur.
- 100% des entreprises de l’échantillon introduites dans le compartiment C d’Euronext (soit une capitalisation inférieure à 150 millions d’euros au moment de l’introduction) sont perdantes.
- Seule 2 entreprises sur 10 (NACON et WAGA ENERGY) du compartiment B (de 150 millions à 1 milliard d’euros de capitalisation au moment de l’introduction) ont une performance positive.
- Près de la moitié des compartiments A (plus d’1 milliard d’euros de capitalisation au moment de l’introduction) ont une performance positive.
Panorama des dernières introductions en Bourse sur Euronext Paris sur les 5 dernières années (glissantes) : Performance relative au CAC 40 entre date d’IPO de chaque entreprise et date de l’étude (27 juin 2022)
Observations :
- Seul moins d’un tiers des entreprises introduites en bourse durant les 5 dernières années surperforment le marché (dont l’écrasante majorité a une taille supérieure à 1 milliard d’euros).
- Plus de la moitié des entreprises introduites depuis juin 2017 sous performent le marché d’au moins -20%.
IV - Quels enseignements ?
Le principal enseignement que l’on peut tirer est que les introductions en bourse (IPO) sont un terrain de jeu particulièrement risqué pour les investisseurs.
Plusieurs raisons expliquent cela :
1 – Le prix de l’IPO est par essence relativement élevé :
- Commissions des intervenants : une introduction en bourse fait intervenir un nombre important d’intermédiaires qu’il faut rémunérer. Ces commissions dépendent de la taille de l’entreprise, de l’importance de l’opération en question, du marché choisi, etc. La majorité des études qui se sont penchées sur la question estiment que ces coûts représentent généralement un total compris entre 5 % à 7 % des montants levés. Lorsque vous souscrivez à une IPO, vous débourserez donc une prime (retranscrite indirectement dans son prix) qui finance ces coûts.
- Effet du timing : Les introductions en bourse sont le plus souvent réalisées lorsque le marché se porte bien. On ne réalise pas une opération aussi périlleuse en temps de tempête. Son prix est donc souvent fixé à un moment où le marché est dans une situation sereine et optimiste. Cela se retranscrit forcément dans les multiples pratiqués lors de telles opérations pour en fixer le prix qui seront relativement hauts. Cet effet multiple est sans doute l’un des des plus importants et les plus pernicieux pour expliquer la cherté relative pratiquée lors des IPO. Les ratios de comparables utilisés lors des IPO étant souvent largement favorables par rapport à la qualité intrinsèque de l’entreprise, dès que le vent tourne, elles souffrent souvent davantage que le reste du marché.
- Intérêts des investisseurs historiques : La plupart des investisseurs historiques ou des fondateurs profitent de l’introduction en bourse pour opérer du cash out (cession de titres contre des liquidités). Pour qu’ils acceptent de céder une partie ou la totalité de leurs titres, le prix fixé par l’IPO devra être « intéressant ». Autrement dit, le prix doit être au-dessus de ce qu’il pense être la valeur intrinsèque réelle de l’entreprise. Dans le cas contraire, il n’accepterait pas la transaction. C’est la même histoire dans toute transaction. Son prix est un équilibre entre une offre et une demande et ce dernier satisfait les deux parties. Sauf que dans cette situation précise, le niveau d’information n’est pas forcément le même. On est face à une offre qui connait parfaitement l’entreprise et qui la suit depuis plusieurs années et une demande qui se base sur de la documentation produite par des financiers et des experts en communication dont la principale mission est d’embellir le tableau au maximum. Ce décalage est un autre facteur de risque à prendre en compte lorsqu’on s’intéresse à une IPO.
2 – la taille compte :
C’est l’un des points les plus évidents mais qui se retrouve renforcé par l’étude que nous avons menée. La taille de l’entreprise introduite en bourse a une importance cruciale. Le cas d’une grande entreprise qui décide de réaliser une IPO est forcément différent d’une petite.
Dans le cas d’une grande entreprise, la majeure partie des investisseurs qui s’y intéressent sont des institutionnels dont les moyens humains et techniques leur permettent d’évaluer correctement le potentiel et la valeur de l’entreprise. Les banquiers d’affaire qui mènent l’opération sont également beaucoup plus vigilants dans les hypothèses qu’ils retiennent pour protéger leur réputation. Les grandes entreprises sont également par essence plus structurées et plus ancrées sur leurs marchés respectifs. L’introduction en bourse leur sert à financer leur croissance et leur développement. Réunir des fonds de Private equity, pour une levée de capitaux souvent importante, est beaucoup moins probable. L’introduction en bourse est pour elles, incontournable dans ce cas.
En revanche, pour les entreprises de petite taille, on pourrait se poser légitimement la question sur le choix qu’elles font de passer par une introduction en bourse plutôt que de passer par des fonds de Private equity. C’est peut-être là le signal que la qualité du business n’a pas assez attiré ces fonds professionnels. Autre zone de risque pour ces entreprises de petite taille, les banquiers introducteurs sont souvent de petites « boutiques » qui apparaissent et disparaissent au gré du temps. Les petites IPOs sont également par nature plus risquées. Les entreprises étant souvent des jeunes pousses fragiles et avec un track record très léger.
3 – Les biais psychologiques :
Plusieurs biais psychologiques peuvent nous faire tomber dans un piège lorsqu’on s’intéresse aux introductions en bourse. Le plus dangereux d’entre eux est sans doute le « Biais du survivant » : on a tendance à se souvenir que des belles histoires et des IPO à fort succès. Des multibaggers dans lesquelles on aurait pu avoir la chance d’investir. Mais cette portion ne représente qu’une infime partie de la totalité des IPOs. On a tendance à généraliser ce qui est en réalité des exceptions.
Conclusions :
Les introductions en bourse (IPO) sont aussi charmantes que dangereuses. Elles doivent être étudiées avec le plus grand soin. Une attention particulière doit être accordée au prix proposé. Une étude poussée sur la valorisation et les hypothèses retenues dans son calcul doit être menée. Cette vigilance doit être d’autant plus importante dans le cas d’une IPO d’une petite entreprise.
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Bonjour MasterBourse,
Merci pour votre article sur les IPO. Votre graphique montrant les performances des dernières IPO est très parlante et nous permet de voir en un coup d’oeil que la plupart du temps… ce n’est pas rentable !
Comme vous le dites, il faut rester super vigilant face à une IPO et en plus, dans ce type de cas, il nous manque des informations cruciales comme les bilans comptables de l’entreprise.
Excellente journée ! 😎
Merci pour cette étude dont les résultats sont très intéressants.